Lecture par Sabine Macher
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La présentation du livre "Nous vivons cachés"(de nouveau traduit par Sabine Macher) permet au public francophone de découvrir l’ensemble des écrits de témoignage de Ceija Stojka publiés de son vivant. Paru en Autriche en 2013, pour les quatre-vingts ans de son auteure, ce volume rassemble les récits écrits par Ceija Stojka et originellement publiés en 1988 et 1992, revus et enrichis par Karin Berger (réalisatrice et documentariste autrichienne qui a accompagné Ceija Stojka tout au long de son travail de mémoire) de deux poèmes de Ceija, deux entretiens menés avec elle en 1987 et 1992 et d’un témoignage sur l’importance de cette rencontre.
Dans les deux premiers chapitres, « C’est ça le monde ? » et « Voyage vers une nouvelle vie », les souvenirs se concentrent sur l’effarement de l’enfant déportée, sa vision du monde basculé dans l’horreur des camps de concentration, mais aussi sur la vie d’avant (les planques dans la Vienne occupée) et de l’après-déportation (le long voyage de retour à Vienne, les retrouvailles avec les autres membres de la famille et le monde des Gagjé, plus ou moins bienveillants, l’adversité de ce retour dans l’indifférence, sinon l’hostilité, de l’administration autrichienne après guerre). Puis nous découvrons l’adolescente ayant retrouvé la liberté — et les difficultés — de la vie itinérante de sa famille à travers l’Autriche, et la jeune et moins jeune femme, au fil des décennies, se battant pour vivre décemment avec trois enfants à charge.
Les entretiens, quant à eux, permettent d’entrer plus avant, au gré d’anecdotes plus ou moins heureuses, dans la vie de cette femme bouleversante d’humanité, son quotidien, sa traversée du siècle, appuyée sur les traditions de son peuple. Enfin, « Voyages dans la Kaiserstrasse » de Karin Berger contextualise les récits de Ceija, tout en apportant une expérience intime de cette histoire (avec un petit et avec un grand H), évoquant son propre voyage dans l’univers rom, et dans cet « entre mondes » dont l’appartement de Ceija était devenu le symbole.